Apprentissage informel : là où tout de joue.
- François-Xavier Marin
- 6 nov.
- 3 min de lecture
On apprend tous les jours.
Mais pas forcément en formation.
70 à 90 % des apprentissages se font sur le terrain
En 2017, Christopher Cerasoli et son équipe ont passé en revue des dizaines d’études sur l’apprentissage au travail.

Leur méta-analyse est claire : entre 70 et 90 % des apprentissages en entreprise se font de manière informelle, sur le terrain, en observant, en essayant, en se trompant.
Rien d’étonnant finalement : c’est là que les salariés passent le plus de temps.
C’est là qu’ils rencontrent de vraies situations, des problèmes concrets, des collègues, des clients.
Le paradoxe : on investit là où on apprend le moins
Malgré ce constat, seulement 20 % des investissements formation servent à soutenir ces apprentissages informels.
Autrement dit, la majorité des budgets sont consacrés à des dispositifs formels – stages, e-learning, parcours certifiants – alors que l’essentiel de l’apprentissage se joue ailleurs.
Informel ou formel : deux logiques d’apprentissage très différentes
Cerasoli et ses collègues distinguent deux types d’apprentissage.
L’apprentissage formel, c’est celui qui se déroule dans un cadre prévu pour apprendre : une salle, un module e-learning, un programme structuré avec des objectifs, un début et une fin.
Il est organisé, linéaire et prescrit par l’entreprise.
L’apprentissage informel, à l’inverse, se déroule dans le flux du travail.
Il n’a pas de programme, pas de formateur, pas d’échéance.
Il repose sur des comportements d’apprentissage comme observer un collègue, poser des questions, tester une autre manière de faire, demander du feedback ou réfléchir à ce qui a bien ou mal fonctionné.
Ce n’est pas du hasard : c’est intentionnel, auto-dirigé et ancré dans l’action.
Et l’efficacité n’est pas la même.
La méta-analyse de Cerasoli montre que l’engagement dans ces apprentissages informels est plus fortement lié à la performance et la rapidité d’acquisition des compétences que la formation classique.
Apprendre sur le tas… ou apprendre en conscience
Oui, on apprend surtout au travail.
Mais encore faut-il que l’entreprise organise cet apprentissage.
Cela ne veut pas dire créer des modules ou des PowerPoint supplémentaires.
Cela veut dire créer les conditions pour que chacun puisse apprendre dans son travail.
Concrètement, par où commencer ?
Si vous voulez vraiment rentabiliser vos 1 % formation, investissez dans ce qui développe :
L’observation : savoir regarder pour comprendre. Repérer les gestes, les enchaînements, les repères de décision d’un collègue expérimenté. Cela suppose de maîtriser des compétences comme l’écoute active, l’analyse d’une situation réelle ou la formulation de questions précises pour décoder ce qu’on voit.
Le partage entre pairs : savoir mettre en mots sa pratique et écouter celle des autres sans jugement. Cela demande de la communication claire, de la bienveillance professionnelle et la capacité à nommer les critères de réussite dans un métier.
Le feedback : oser dire ce qu’on observe, sans blesser, et recevoir un retour sans se braquer. Cela mobilise la communication assertive, la formulation constructive et la gestion des émotions.
La réflexion sur sa pratique : être capable de prendre un pas de recul sur ce qu’on a fait, d’identifier ce qui a marché, pourquoi, et ce qu’on ferait autrement. C’est une compétence clé de métacognition : apprendre à apprendre à partir de sa propre expérience.
L’expérimentation : tester une nouvelle méthode, ajuster, réessayer. Cela nécessite le droit à l’erreur, de la curiosité, et une capacité d’adaptation. C’est la base de l’innovation quotidienne.
C’est là que se joue la différence entre une entreprise où on apprend sur le tas,
et une entreprise où on apprend en conscience.
En conclusion

L’enjeu n’est pas de former plus, mais de mieux apprendre là où le travail se fait.
Les entreprises qui prennent le temps d’organiser ces apprentissages informels — par le feedback, la coopération, la réflexion sur la pratique — gagnent sur deux fronts : la performance immédiate et la montée en compétences durable.
Investir dans ces dynamiques, c’est transformer le quotidien en terrain d’apprentissage.
Et c’est sans doute la meilleure façon de sécuriser les savoirs de l’entreprise avant qu’ils ne s’en aillent.




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